Mon amie Nova a récemment lu deux mangas très explicites pour adultes (ou hentai comme on dit en général) de la maison d’édition Lilite. Je lui ai offert la possibilité d’en parler ici. Le texte qui suit, écrit à la première personne, est le sien. D’ailleurs elle a même donné de sa personne pour illustrer sa lecture comme vous pouvez le voir sur son compte Twitter. Vous pouvez retrouver toutes mes chroniques BD/mangas par ici sinon, d’autres arrivent prochainement.
La maison d’édition Lilite continue de me surprendre avec des publications qui osent repousser les limites du manga pour adultes, tant sur le plan narratif que graphique. Cet automne, l’éditeur nous livre deux nouvelles parutions aux ambiances radicalement opposées, mais qui prennent le temps de se retrouver sur certains thèmes : la technologie, la perversion et la place de la femme. Je vous propose de vous en dire un peu plus sur les mangas hentai “Petit Précis de saintes débauches” de Kenji et “Désire-moi” de Tulip.
“Petit Précis de saintes débauches” de Kenji : Quand la technologie devient terrain de chasse
Si je devais choisir entre les deux, mon cœur penche clairement pour le travail de Kenji. Paru originellement en 2020 chez WaniMagazine (le leader japonais du hentai), cet album inédit en France parvient à ancrer ses récits dans notre quotidien numérique avec une intelligence narrative rare qui me fait vriller le cerveau. Comme l’annonce sans détour la quatrième de couverture : c’est “un livre placé sous le signe de l’orgie”, et il tient magnifiquement cette promesse.
Hounder – La Dévoreuse d’hommes : Une masterclasse de tension narrative
Le premier récit, qui occupe la moitié de l’album, est tout simplement brillant. Kenji y présente une application de rencontres d’un nouveau genre : Hounder met en relation des utilisateurs aux désirs charnels affirmés pour leur proposer un jeu sexuel aussi dangereux qu’excitant. Le concept est diabolique : chaque ébat entre participants devient un véritable combat où celui qui abandonne, terrassé par le plaisir, devient littéralement l’animal de compagnie du vainqueur. Les meilleurs joueurs sont crédités d’un titre faisant référence à un animal, symbolisant leur rang dans cette chaîne alimentaire érotique. Le scénario est assez tordu pour me plaire tout de suite !
On suit Marina Watanabe, jeune étudiante issue d’un prestigieux établissement féminin. Sa candeur apparente nous fait craindre le pire pour elle… jusqu’à ce qu’on découvre son talent inné pour ce jeu pervers. Marina incarne parfaitement ce qui rend ce récit fascinant : dans ce monde de prédateurs, elle laisse venir à elle ses adversaires pour leur faire progressivement comprendre qu’ils sont en réalité ses proies.
J’ai parfois retenu mon souffle, dévorant les pages avec frénésie pour découvrir les retournements de situation qui rythment ces nuits perverses. Chaque participant a un, ou plusieurs, atout dans sa manche, et Kenji joue avec une efficacité redoutable sur l’incertitude du résultat pour maintenir notre attention. L’ambiance est résolument débauchée, détrempée, avec une large place accordée aux ébats de groupe.
Ce qui me fascine particulièrement, c’est l’inversion des dynamiques de pouvoir. Ce ne sont pas les hommes qui dominent ce classement : ce sont les femmes qui occupent les premières places, qui orchestrent les situations, qui contrôlent le jeu de la séduction et de la manipulation. Marina, avec ses capacités hors-normes, émerge comme une figure quasi-irréelle pour ses adversaires, tout en conservant paradoxalement bien plus d’humanité qu’eux. Bonus : la chute est très sympa, mais je vous laisse la découvrir !
POV Demoiselles en détresse : L’immersion par le regard
La seconde moitié de l’album explore un registre différent, tout aussi séduisant. Comme son titre l’indique, ce récit adopte une vue subjective (Point Of View) où le lecteur se glisse littéralement dans le regard du protagoniste masculin. Kenji gomme le héros de l’image pour nous placer directement à sa place et j’adore ! C’est une technique qu’on retrouve souvent dans les films pour adultes, et qui fonctionne merveilleusement bien ici.
Le scénario s’appuie sur le fantasme du sauveur : notre anonyme recueille chez lui une jeune femme esseulée et à la rue, après l’avoir rencontrée via une application où des “demoiselles en détresse” appellent à l’aide. Ce concept ouvre progressivement la voie à l’établissement d’un véritable harem, le héros entrant en contact avec de nombreuses utilisatrices pour les “sauver” avec son gros engin.
J’adore particulièrement cette histoire pour sa maîtrise technique du POV. On se retrouve dans une dynamique proche du JOI (Jerk Off Instructions), où la frontière entre le lecteur et le protagoniste s’estompe pour mon plus grand plaisir. C’est charmant, immersif, et diablement efficace sur le plan érotique. Les planches de Kenji et son joli trait arrondi relèvent brillamment le défi de cette vue subjective, mettant en scène de manière peu ordinaire des ébats de groupe.
Le récit sait aussi distiller quelques pointes de romantisme tout en évoquant des thèmes de société plus sombres, les demoiselles ont toutes une bonne raison d’être en détresse.

“Désire-moi” de Tulip : La beauté au service de la transgression
Passons maintenant à Tulip, dont le travail graphique mérite à lui seul le détour. Son trait rend les femmes absolument magnifiques, avec une attention aux détails anatomiques et une sensualité qui irradie de chaque planche. C’est visuellement somptueux, sensuel, presque hypnotique. Je l’ai relu plusieurs fois tellement c’est beau !
L’audace thématique : Oser la transgression
Mais Tulip ne se contente pas d’être un excellent dessinateur. Il ose aborder des thèmes encore trop rares dans le manga érotique. Le traitement de la sodomie, présenté sans tabou et avec une vraie sensualité, est particulièrement appréciable. J’adore qu’on ose enfin traiter ce sujet avec cette liberté assumée. D’ailleurs vous pouvez retrouver des chroniques de jouets pour adultes adaptés à cette pratique juste ici.
De même, l’inclusion de personnages féminins dotés d’un pénis (futanari) est traitée avec naturel et un érotisme troublant. C’est magnifique de perversité et de transgressions assumées.
L’histoire de la vaginette (onahole) est complètement folle dans le meilleur sens du terme. Tulip parvient à transformer un objet trivial en élément narratif central, créant une situation aussi absurde qu’excitante. C’est audacieux, c’est délirant, et ça fonctionne à merveille.
“Lettre blanche” : Le sommet de la perversion ludique
Mon coup de cœur absolu dans ce recueil reste “Lettre blanche”. L’histoire de ce protagoniste qui profite de deux sœurs lubriques est un concentré de ce qui fait l’excellence de Tulip : des personnages féminins magnifiquement dessinés, sensuels à souhait, une situation délicieusement transgressive suggérée par la relation entre les sœurs, et une progression narrative qui maintient l’excitation et le désir du début à la fin. C’est pervers, c’est beau, c’est exactement ce que j’attends d’un manga érotique assumé. Cette histoire m’a beaucoup rappelé Nozokiana.
Deux approches complémentaires de l’érotisme
Ces deux œuvres d’octobre illustrent deux manières différentes d’aborder le manga érotique avec excellence :
Kenji mise sur l’ancrage dans le réel contemporain, utilisant nos outils numériques quotidiens (applications de rencontre, jeux en ligne) pour créer des situations perverses et crédibles. Ses récits sont des histoires avant d’être des prétextes, avec de vraies constructions narratives qui tiennent en haleine. Comme il le dit lui-même : “Quoi que je dessine, j’ai le sentiment que je pourrais en faire une série-fleuve. J’adore m’imaginer des scénarios exagérément complexes… C’est un peu mon Kink !” On le ressent dans chaque page !
Tulip, de son côté, privilégie l’esthétique et la transgression assumée. Ses histoires sont des fantasmes visuels où la beauté du trait sublime des situations qui pourraient paraître absurdes si elles étaient moins bien exécutées. Il n’a pas peur d’explorer des territoires peu fréquentés du genre, et c’est précisément ce qui rend son travail si précieux.
Conclusion : Lilite confirme son excellence
Avec ces deux titres, Lilite prouve une fois de plus qu’il est possible de proposer du contenu érotique audacieux, bien construit narrativement et graphiquement soigné. Que vous aimiez les récits ancrés dans le quotidien avec une vraie profondeur narrative (Kenji) ou de fantasmes plus débridés sublimés par un dessin exceptionnel (Tulip), ces deux œuvres méritent largement votre attention. Bien évidemment vous pouvez apprécier les deux hentai juste en regardant les dessins !
Ma préférence personnelle va clairement à Kenji pour son intelligence narrative et ses retournements de situation haletants dans Hounder, mais impossible de nier le talent pur de Tulip et son audace thématique. L’idéal ? Les lire tous les deux en faisant quand même des pauses pour ne pas avoir trop chaud ! Les deux titres sont disponibles depuis le 29 octobre, au prix de 12€50 et des extraits sont disponibles sur le site de l’éditeur pour les plus curieux (site en maintenance actuellement).
